AL BELL

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Al Bell et Jim Stewart
 

 

D'un autre point de vue, il y eut un changement très important dans la Compagnie Stax : un homme de couleur est entré dans l'état‑major de la firme, il s'agit de AI Bell, un ancien disc‑jockey de 29 ans, d'une taille impressionnante et qui devint le vice‑président de la société au début de 1968. Stax est ainsi devenu une des très rares compagnies de disques aux Etats‑Unis ‑ on peut les compter sur les doigts d'une main ‑ à avoir un homme de couleur occupant un haut poste de direction. La situation de AI Bell ne signifierait pas grand‑chose s'il n'était qu'un de ces Nègres «exhibés et symboliques», payés pour se tenir dans un endroit bien visible afin d'éviter à la compagnie des manifestations antiracistes. AI Bell au contraire remplit un rôle prépondérant. En effet si Jim Stewart en tant que Président s'occupe de la partie financière de la compagnie, AI Bell qui entra dans la firme en 1965 comme directeur de la promotion, travaille en liaison étroite avec les artistes et a comme tâche principale de développer les activités artistiques de la société.

 
Bell commença sa carrière comme disc‑jockey à Little Rock dans l'Arkansas tout en préparant un diplôme supérieur de Sciences politiques au Philander‑Smith College. Il commença comme disc‑jockey spécialisé dans les gospel songs, passa ensuite au jazz, puis au rhythm and blues et eut même sa propre compagnie de disques à Washington D.C., dans laquelle il se familiarisa avec les techniques de production, tout en apprenant à écrire ses propres compositions. Un des artistes qu'il employait dans sa compagnie était
Eddie Floyd que Bell emmena avec lui chez Stax en tant que compositeur et producteur.

 
«L'industrie du disque a été exactement comme toutes les autres choses en Amérique à l'égard de l'homme de couleur» déclare AI Bell qui semble encore tout jeune, malgré sa barbe et ses lunettes. «L'homme de couleur n'a jamais eu ce qu'il lui fallait. Il n'a jamais eu la chance de pénétrer nulle part et d'apprendre le mécanisme des affaires. Ce qui m'a permis d'avoir une situation prépondérante et de diriger mon service c'est que j'ai toujours été un "fonceur". Quand j'ai commencé à m'occuper de cette partie de l'industrie du disque je voulais tout savoir à ce sujet. En tant que directeur de la promotion chez Stax, j'ai voyagé un peu partout à travers le pays, j'ai visité toutes les stations de radio pour m'assurer que nos disques seraient diffusés, mais chaque fois que j'avais un moment de libre, j'allais faire ma petite enquête chez les distributeurs de disques. Très peu de gens de couleur ont eu la possibilité de faire ceci. Ceux qui étaient dans l'industrie du disque travaillaient surtout dans les services de promotion et vous n'apprenez rien sur cette industrie si vous vous contentez d'allez voir les disc‑jockeys. C'est seulement depuis peu de temps que les compagnies de disques ont commencé à employer des gens de couleur qui ont pu alors vraiment comprendre cela. Je crois que dans le futur nous verrons de plus en plus de gens de couleur entrer dans l'industrie du disque, si les goûts actuels du public s'affirment, parce que la musique que nous vendons a été créée par les Noirs et ceux‑ci devraient bien apprendre de quelle façon on s'occupe de ce marché.»

 
Avec l'assurance de quelqu'un qui a étudié son sujet au microscope, Bell démontre comment les ventes des productions Stax reflètent les goûts actuels du public. Bell continue : «Les gens disent que le genre de disques que nous produisons, enregistrés par des Noirs, est spécialement conçu pour le public noir. Mais quand nous réalisons un chiffre de vente égal à celui que nous avons enregistré avec le disque de
Johnnie Taylor Who's makin' Love (Qui flirte ?) ce qui représente en chiffres ronds à peu près un million huit cent mille, les mêmes gens prétendent que c'est un disque de rhythm and blues qui tend vers la pop music suggérant tout bonnement ainsi que ce disque, conçu pour le public noir, a plu aussi au public blanc.

 
«Il est presque impossible qu'un disque atteigne un chiffre de vente de 1 million d'exemplaires s'il ne plaît pas aux deux publics, le noir et le blanc. D'après mon expérience, un disque qui ne plaît qu'au public noir ne peut atteindre qu'un chiffre maximum de trois cent mille exemplaires à peu près, et là je crois qu'on frôle le point de saturation en ce qui concerne le consommateur noir. Dans certains cas exceptionnels un disque acheté uniquement par des consommateurs noirs peut atteindre un chiffre de vente de 500 000 exemplaires, mais nous tablons en général sur un nombre de 250000 exemplaires. Au‑delà de ce chiffre, nous estimons que le disque en question est acheté aussi par le public blanc.»

 
Est‑ce ce qui s'est passé pour
Otis Redding ?
 

 
Malheureusement, répond AI Bell, Otis n'était pas parvenu à réaliser un tel chiffre avant sa mort, pas dans ce pays du moins, quoiqu'il l'ait fait en Europe, il était d'ailleurs le chanteur le plus populaire en Angleterre. Juste avant sa mort, peut‑être une année auparavant, ses disques commençaient à être vendus sur le marché blanc aux Etats‑Unis et nous avons réalisé des ventes considérables à un public blanc quoiqu'en temps normal nous ne fournissions jamais de disques à ce public. Un tas d'admirateurs blancs allaient le voir et l'entendre ; à ce moment‑là, il commençait juste à comprendre ce que représentait Otis Redding, car Otis apportait vraiment le message de la musique soul et je crois, que c'est à ce moment seulement que ces admirateurs blancs, réalisèrent ce qu'était la musique soul. Puis ce fut Aretha Franklin qui acheva de les convaincre. Mais pour revenir à Otis Redding celui‑ci ne s'imposa vraiment sur le marché qu'après sa mort, ce fut avec Dock of the Bay qu'il avait enregistré juste quatre jours avant l'accident qui lui coûta la vie. Et c'était son premier disque vendu à un million d'exemplaires. Un tel succès de vente ne lui était jamais arrivé avant sa mort. »

 
Quels sont les facteurs qui aident à déterminer les tendances de ceux qui achètent les disques ?

 
«La plupart des acheteurs de disques, soyez‑en persuadé, poursuit AI Bell, sont les adolescents et les jeunes, ceux qui ont vingt‑cinq ans ou moins. Lorsqu'on parle d'une production moyenne, que ce soit du R & B, de la musique pop, de la musique underground ou des rock'n'roll de maintenant un domaine qui nous concerne particulièrement, les voici nos clients, et donc, nous avons à coeur de les satisfaire, car l'on peut dire qu'approximativement 80 % de nos disques sont achetés par eux. Il y a eu beaucoup d'engouements divers durant ces années ‑
Elvis Presley, les Beatles et les groupes anglais, mais aujourd'hui il n'y a pas une seule vraie super‑vedette qui domine le marché, et les jeunes commencent à rechercher quelque chose de nouveau, qu'ils trouvent d'ailleurs dans la musique soul que l'on produit maintenant. Cela marche très fort dans les campus d'universités où nous vendons une bonne partie de nos albums, parce que ces jeunes n'ont pas grand‑chose d'autre à écouter et pour eux la musique soul est ce qu'il y a de plus nouveau même si elle a bel et bien existé depuis bien longtemps déjà. Le seul autre genre de musique qui prenne actuellement, si l'on parle de super‑vedette c'est le genre que représente Tom Jones, qui semble prendre une importance aussi grande que celle qu'avaient Elvis Presley ou les Beatles.

 
Mais si l'on y regarde de près, le répertoire de Tom Jones est composé de chansons qui ont toutes les caractéristiques de la musique soul, donc l'engouement du moment, c'est bien la musique soul. On s'aperçoit de cette influence dans d'autres domaines. Autrefois un
Hugh Masekela ou n'importe quel autre artiste dit de jazz n'aurait jamais enregistré une chanson aussi commerciale que Grazing in the Grass (Folâtrant dans l'herbe). De même on n'aurait jamais joué de disques d'un groupe comme celui de Booker T. & the M.G.'s dans une bonne station de radio, mais de nos jours cela arrive tout le temps. Quand on pense que toute cette musique soul ou même le rock'n'roll provient tout simplement des gospel songs et des blues du peuple noir, mélangés de chansons country and western ainsi que d'hymnes provenant de la campagne, on pourrait bien appeler ce que nous produisons ici de la musique folk et de la musique populaire.»

 
AI Bell pense‑t‑il que l'engouement pour la musique soul durera ?

 
«Il est probable que la courbe schématique représentant le développement de la musique soul atteindra son point culminant, car dès maintenant cette courbe révèle une série de sauts et de bonds en avant, mais même si cette courbe devait accuser une baisse, la musique soul survivra toujours aux Etats‑Unis, puisque le peuple noir est partie intégrante du peuple américain. Sous une forme ou sous une autre, la musique soul se manifestera dans ce pays aussi longtemps qu'il y aura une lune au ciel, et s'ils laissent quelqu'un de notre peuple aller dans la lune, la musique soul y sera aussi.»

 
Bell continue à expliquer qu'aussi fort que soit l'engouement pour le genre de musique produite par Stax, actuellement, on ne peut se contenter de continuer sur sa lancée, comme c'est le cas pour ceux qui sont au coeur de l'industrie du disque. AI Bell et les membres de son état‑major, depuis les dactylos, les secrétaires, jusqu'aux musiciens et aux producteurs, travaillent sans relâche, sans prendre de vacances, ni de week‑ends.

 
«Les choses changent si vite, dans notre métier, poursuit AI Bell, que vous avez vraiment à travailler ainsi pour rester dans le coup. On peut se coucher le soir, et le lendemain s'apercevoir qu'un nouveau genre commence à plaire. On devrait alors être capable de " piger " ce qui se passe et de prendre les décisions adéquates, si l'on veut ne pas être dépassé, car il y a beaucoup de compétition dans notre métier. Ce n'est pas du tout la même chose, qu'il y a, mettons dix ans, lorsqu'un petit nombre de compagnies de disques produisaient relativement peu. De nos jours, il y a un bon nombre de firmes solides qui sortent pas mal de très bons disques. Ainsi, si l'on veut ne pas dégringoler, faut‑il se mettre en chasse pour trouver le bon produit, c'est‑à‑dire la bonne chanson, et travailler jour et nuit pour essayer d'en faire quelque chose et de la sortir avant les autres.»

 
Comme on peut s'y attendre de la part d'un vice‑président frais émoulu et fier de sa compagnie, AI Bell veut nous convaincre qu'il y a une différence entre les différentes physionomies musicales des productions de Memphis, quoiqu'il y ait, entre elles, des ressemblances qui les mettent à part des enregistrements faits ailleurs.

 
«A Memphis, nous aimons que nos artistes ressentent profondément le contenu des paroles d'une chanson, qu'ils les vivent, puisqu'ils doivent les interpréter dans leurs propres styles. Donc, quand nous réunissons un groupe de musiciens dans un studio il n'y a pas d'arrangements écrits. Le compositeur ou le producteur a simplement établi un schéma et les musiciens le travaillent inlassablement, apportant chacun son idée, jusqu'à ce que tout le monde sente bien la chanson. Une fois bien sentie, la chanson est enregistrée par tout le groupe et c'est la spontanéité de tout ceci qui donne cette physionomie musicale caractéristique de Memphis, parce que ce que nous appelons la musique soul selon ma définition, est basée sur une émotion vécue. Ce n'est pas de cette façon qu'on procède en général dans la plupart des séances d'enregistrement. En effet, lorsqu'un artiste doit enregistrer, on lui procure un compositeur qui aura composé une chanson valable. Les décisions sur ce matériel musical sont prises par le producteur qui, lui choisit l'arrangeur qu'il estime le mieux indiqué pour mettre en valeur la chanson. Ensuite, le producteur, d'accord avec l'arrangeur, fait appel aux musiciens adéquats. Tout ce monde se rend alors au studio, l'orchestre joue l'arrangement tel qu'il a été écrit et l'on enregistre. Evidemment cette façon de procéder est bien différente de celle que nous appliquons à Memphis.

 
En gros, la physionomie musicale de la compagnie Stax, son cachet, sont basés sur le même procédé employé pour tous les enregistrements faits à Memphis, mais d'autres facteurs interviennent aussi. En premier lieu, nous utilisons ce que nous appelons un studio de fortune, car c'est une ancienne salle de spectacle dont le plancher est légèrement en pente et lorsqu'on regarde les murs on n'y voit aucune protubérance, ni consoles, ni baffles. C'est une salle nue et les conditions acoustiques permettent la production d'un son pur de la part de chaque instrumentiste. On n'y produit pas de sons électroniques. Le son de l'instrument s'entend tel qu'il est dans son émission normale.»

 
En plus de l'acoustique spéciale dont nous parlons, un facteur éminemment important pour Stax, souligne Bell, est le fait que
Booker T. et les M.G.'s sont à la fois ‑ on ne le sait généralement pas ‑ les producteurs, compositeurs et accompagnateurs de la plupart des artistes qui enregistrent pour Stax. Cette polyvalence assurée par un petit groupe dans une compagnie de disques est rare, sinon unique, dans l'industrie phonographique.
 


Donald "Duck" Dunn, Booker T. Jones, Steve Cropper, Al Jackson

 
«Ces gars, on les entend, sur 70 % des disques enregistrés par Stax, ajoute Al Bell. Mais chacun d'eux est aussi un producteur. Booker T. est le producteur de
William Bell et compose pour lui. Steve Cropper est le producteur de plusieurs artistes. Il fut le producteur d'Otis Redding. Comme Cropper est aussi un ingénieur du son autodidacte, il fait ses propres mixages. Al Jackson, le drummer du groupe est le producteur d'Albert King. Quant à Donald « Duck » Dunn, c'est grâce à lui et à sa basse électrique que notre musique a un cachet distinctif. Lorsqu'on ajoute au groupe des instruments à vent (trompette et saxophones), tels qu'on peut les entendre sur de nombreux enregistrements, on appelle cette formation de « souffleurs » les Mar‑Keys. Ce sont toujours ces mêmes gars qui tous les deux ou trois mois, sortent un album sous leur nom de Booker T. and the M.G.'s, et, dans le même temps, ils ont joué, produit et composé pour d'autres artistes. Et si ces gars s'étaient mis en tête de penser uniquement à leur propre carrière, il serait difficile d'évaluer à quel fabuleux résultat ils seraient parvenus en tant que vedettes du disque. Mais leurs idées et leur inspiration profitent à d'autres artistes. C'est ainsi que Stax a atteint le chiffre de 15 à 20 millions de 45 tours simples pendant les trois dernières années et personne ne pourrait évaluer le nombre d'albums édités. Booker T. et les M.G.'s constituent la pièce maîtresse de notre organisation et ils impriment leur cachet à toute notre production et il faut leur en savoir gré».


William Bell The Mar-Keys
 

 A entendre leur musique on pourrait penser que chacun des membres des M.G.'s a été nourri de pain de maïs depuis sa naissance, n'a consommé que des brocolis cuits à l'étouffée, a toujours joué de son instrument pieds nus et de plus, est complètement autodidacte. Si l'on veut se servir des clichés éculés qu'on prête aux instrumentistes de la musique soul, rien n'est plus éloigné de la vérité, et c'est la diversité des milieux dont ils proviennent qui a été très bénéfique pour leur musique. Bell continue en ces termes :

 
«Booker T. est diplômé de musique de l'Indiana University, il est donc capable, au besoin, d'utiliser sa technique classique pour la composition et l'arrangement. Steve Cropper de son côté est un Blanc qui a baigné dans les traditions musicales country et country pop. "Duck" Dunn, lui aussi un Blanc, connaît les mêmes traditions musicales mais se tient au courant de ce qui se passe dans la musique underground. Quant au drummer AI Jackson, il a toujours entendu des blues et du jazz depuis son enfance. Prenez ces gars avec leurs différents styles musicaux, mettez‑les dans ce studio de fortune dont nous avons parlé, ajoutez les techniques d'écriture musicales et la " philosophie " que nous avons inculquée à nos compositeurs ‑ dans les textes des chansons, dites la vérité toute crue. Avec l'aide de tels musiciens nous pouvons changer le genre d'une bonne chanson bien écrite, en faire du pop, du R & B ou de la musique country and western. Ils peuvent jouer tout ce qu’ils veulent et cela sonne exactement comme il le faut parce que ce sont des musiciens accomplis.»

 
D'autre part, on perçoit une autre nuance dans l'orgueil que Bell éprouve pour ce groupe. Il continue:

 
«Et considérer aussi l'endroit où nous nous trouvons, nous sommes bel et bien à Memphis, dans le Tennessee, dans le ghetto. Au point de vue géographique, cette ville est située sur les rives du Mississippi, bordée au sud par l'Etat du Mississippi, tout proche, et à l'ouest par l'Arkansas tout proche lui aussi. Quand vous considérez le groupe formé par Booker T. et les M.G.'s vous vous apercevez qu'il est composé de quatre gars, deux Noirs et deux Blancs dont «l'intégration» date d'il y a déjà sept ans. Ils ont pu effectuer cette intégration pendant tout le temps qu'a duré la bataille pour l'intégration scolaire à Little Rock, dans l'Arkansas, pendant la crise provoquée par l'admission de James Meredith à l'Université du Mississippi, et tant d'autres choses. Maintenant considérez notre propre compagnie de disques, vous constatez que cette firme a réalisé aussi son intégration depuis sa naissance ‑ et cela à Memphis ‑ j'en suis très fier et pense que nous devrions être considérés comme un modèle ‑ pas seulement dans l'industrie du disque, mais dans n'importe quelle branche d'activité, car c'est une preuve que les Blancs et les Noirs peuvent travailler ensemble malgré des idéologies différentes, tout en réussissant. Nous avons prouvé que cela était parfaitement réalisable»

 
Cet esprit de coopération et d'entreprise anime toute la firme, mais en même temps, il est manifeste que cette physionomie musicale de la musique soul de Memphis, telle qu'elle est produite dans les studios Stax n'est pas le résultat du hasard ou de la seule intuition. C'est bel et bien le résultat d'estimations soigneusement faites qui ne laissent comme facteur d'incertitude que l'expression personnelle de l'artiste. Cependant tout ce qui a précédé l'effet final produit est si bien camouflé et dissimulé, que la musique elle‑même sort avec juste ce qu'il faut de désinvolture et de brio pour donner l'impression d'aisance innée, avec juste assez de cette qualité entraînante de la musique rock'n'roll pour lui donner une saveur d'actualité, mais cependant, cette musique doit être moins frénétique, avoir moins d'effets spéciaux et d'amplifications électroniques que celles que l'on entend actuellement, car de nos jours, les enregistrements rivalisent dans la compétition du succès, surtout par le nombre de décibels enregistrés. Notre musique, tranquillement, donne l'impression d'être funky sans l'être artificiellement, vous prend, sans être commerciale. Elle est assez entraînante pour qu'on danse dessus, mais en même temps assez relax pour qu'on ait envie de simplement s'asseoir pour écouter et battre la mesure du pied, et beaucoup de tout ceci a été calmement et soigneusement pensé à l'avance. L'artiste qui est un vivant exemple de cette façon d'exprimer musicalement ces deux fonctions de la musique connue sous le nom de «Memphis Sound» est Booker T. Jones Jr., chef du groupe des M.G.'s que l'on entend à l'orgue ou au piano dans les enregistrements de ce groupe. Pour ce jeune homme de vingt‑neuf ans, qui a reçu une brillante éducation, et qui pourrait passer pour un homme d'affaires tranquille, le monde aurait pu être dominé par une race verte, violette ou mouchetée, aucune importance, il aurait tout de même réussi sur le plan musical, tant il a de talent. Etant enfant, il n'était pas un prodige mais il faisait tranquillement son chemin. Peu d'artistes soul sont sortis de la petite bourgeoisie de couleur, comme lui et Carla Thomas, tous deux de l'écurie Stax, mais on a donné à Booker T. toutes les chances de développer ses dons naturels. Sa mère, Mme Lurline Jones, une diserte et jolie secrétaire d'école convient qu'on a toujours aimé la musique dans sa famille et qu'elle s'essayait à jouer du piano quand elle était toute jeune : « Jusqu'à ce que Booker T. fasse son entrée dans la famille, et il était si doué, que j'ai abandonné le piano.»

 

à suivre vers >>> BOOKER T.

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