LES 30 CM

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A DÉCOUVRIR DANS LES PAGES "LES 30 CM"

la reproduction des albums, les notes de pochettes

 et les critiques de Kurt Mohr

pour la revue Rock & Folk

 

 

 APOLLO SATURDAY NIGHT - 1964

Atlantic 412005

THE FALCONS: I found a love, Alabama bound. OTIS REDDING: Pain in my heart, These arms of mine. DORIS TROY: Misty, Say yeah. RUFUS THOMAS: Rockin'chair, Walking the dog. THE COASTERS: T'ain't nothing to me, Speedo's back in town. BEN E.KING: Groovin', Don't play that song, Stand by me. FINALE: What'd i say.

( notes de pochette)    

Au cœur de Harlem existe un théâtre connu dans le monde entier pour ses extraordinaires spectacles qui présentent les meilleurs artistes de couleur des Etat-Unis. C’est l’Apollo. Affronter le public de cette salle, le séduire, voire l’enthousiasmer, constitue pour un artiste une sorte de consécration. Sarah Vaughan, Duke Ellington, Big Joe Turner, Ray Charles, Amos Milburn et des centaines d’autres, artistes de jazz ou de «pop music», ont participé aux spectacles de l’Apollo et y ont conquis une partie de leur gloire. Le 16 novembre 1963, quelques instants avant minuit, l’Apollo, bondé d’une foule impatiente, attendait que le rideau d’argent se lève et que le spectacle commence. Un spectacle d’une qualité rare, puisque ce sont les meilleurs artistes de couleur de la firme Atlantic qui allaient se produire : Otis Redding, dont deux chansons Pain in my heart et These arms of mine obtiennent actuellement un grand succès dans les Etat-Unis tout entiers, Doris Troy, qui auparavant travaillait tous les soirs à l’Apollo en tant qu’ouvreuse et qui aujourd’hui, sur la scène, suscite l’enthousiasme de ceux qu’elle guidait jadis vers leurs places, Rufus Thomas, créateur du «dog», les «Coasters» et les «Falcons», deux groupes vocaux qui comptent parmi les favoris de Harlem. Ben E. King enfin, dont on sait qu’il est devenu depuis quelques mois l’une des grandes vedettes du «show business» américain. Ecouter ce disque, c’est pénétrer dans l’univers étrange des hommes qui ne vivent que par et pour le rythme; c’est faire la connaissance des chanteurs les plus «swinguants» de New York; c’est participer à une soirée dont la qualité reste gravée dans la mémoire de ceux qui eurent le privilège d’y assister.

                                                                               

                                        

 

         Respect - 1965 

         

Respect. These arms of mine. Mr pitiful. Pain in my heart. I can't turn you loose. Security. Satisfaction. My girl. Shake. Wonderful world. I've been loving you too long. Louie louie. Ole man trouble. Lucille.

Atco 3002

 

   

 

 

                                                                                                    

DAY TRIPPER - 1967

Day tripper. Tennessee waltz. I'm sick Y'all. Sweet Lorraine. Try a little tenderness. Fa fa fa fa fa. She put the hurt on me. You're still my baby. Ton of joy. Hawg for you. My lover's prayer. Love have mercy.

STAX 3001

Ce recueil est sensiblement de la même qualité que le premier album d'Otis publié en France, (Atco 3002), c'est à dire qu'à part deux ou trois plages faiblardes, le reste est de haute qualité. Les enregistrements datent de 1966 et ont tous été effectués, sauf erreur, à Memphis. Le style saccadé et Plaintif d'Otis n'est pas pour tous les goûts. Comparé par exemple au "Tamla Motown Sound",  C'est une musique totalement différente et pourtant toutes les deux présentent un aspect typique de la musique des Noirs. Qu'on ne vienne surtout pas nous dire après cela que    "le rhythm'n'blues, C'est toujours la même chose" Quelle affreuse hérésie ! Autant confondre Brel avec Tino Rossi. Pour moi, la plage choc du recueil est "Try a little tenderness" . Un monument. D'abord sans rythme, tout en douceur; puis ça s'impatiente, le batteur marque le temps tel une pendule; enfin ça grimpe et ça explose. Du très grand Redding. "You're still my baby"et "My lover's prayer" sont de la même veine. J'aime beaucoup aussi "Ton of joy", sobre mais original. Quant à "Hawg for you", c'est I'un des rares blues traditionnels enregistrée par Otis. Il n'y est accompagné que par la section rythmique, sur un de ces tempos paresseux chers à Jimmy Reed. Si vous voulez accrocher un puriste du blues, c'est avec cette plage que vous aurez le plus de chance. Belle quadrichromie d'Otis au recto de la pochette. Quant à la photo du verso, elle montre Otis entouré de quatre de ses musiciens (qui l'accompagnaient à Paris): le bassiste Lee Royal Hadley, les saxo ténors Bob Holloway (le barbu) et Charles Fairley, le saxo baryton Leroy Flemming.

  (photo P.DEMARCHELIER)

Kurt Mohr  (in rock & Folk n° 5 , mars 1967)

 

 

    

 

 

           

 

 

RHYTHM & BLUES PANORAMA : 1967

THE FAMOUS MEMPHIS SOUND OF STAX RECORDS

THE MAR‑KEYS: Philly Dog. Last night. EDDIE FLOYD ‑ Knock on wood. Raise your hand. RUFUS THOMAS: Sister's got a boyfriend. SAM & DAVE: I take what I want. Sweet pains. WENDY RENE: Bar ‑ B ‑ Q. ARTHUR CONLEY: Sweet soul music. OTIS REDDING: Scratch my back. Treat her right. BOOKER T. & THE MG'S: My sweet potato. Working in the coal mine.

STAX 3006

Ce recueil, d'un excellent niveau musical, ne présente qu'un inconvénient: celui de compter, sur 13 titres, 6 déjà parus en 45 t (les titres 2., 3, 4, 7, 9, 11). Les amateurs les plus acquis à cette musique sont précisément les plus lésés . pour quelques titres qui leur manquent ils sont obligés de racheter une série de doublons. Et ceux qui «débutent» par un tel recueil n'auront pas envie d'acheter des 45 t dans lesquels ils retrouveront des titres qu'ils possèdent déjà.

«Last night» qui date de 1961 est le premier enregistrement des Mar‑Keys qui comprenaient alors Wayne Jackson (tp), Charles «Packy» Axton (ts), Don Nix (bs), Jerry Lee «Smoochie» Smith (p, org), Donald «Duck» Dunn (f‑b) et Terry Johnson (dm), «Packy», qui prend un bon solo de ténor, est le fils de Estelle Axton, soeur de Jim Stewart (d'où le nom de leur marque St‑Ax). «Philly dog» (de janvier 1966) comprend Gene Parker (ts), Floyd Newman (bs), Isaac Hayes (p), Steve Cropper (g) et AI Jackson (dm) à la place de Nix, Smith et Johnson.

Pour les autres détails concernant ce disque, se référer aux chroniques des 45t et aux interviews des musiciens du Stax Show. Qu'il me suffise d'ajouter que le Rufus Thomas est quelque peu décevant après ce qu'on connaît déjà de lui, que Wendy Rene est une très jeune gamine qui ne manque pas de tempérament; que «I take what I want» est du Sam & Dave fumant et que «Scratch my back» (= Gratte‑moi dans le dos) est une excellente version du fameux tube de Slim Harpo. «My sweet potato» est intéressant du fait que Booker T. y joue du piano, Steve Cropper de la basse, AI Jackson de la batterie et Duck Dunn des claves; dans «Coal mine» les musiciens se retrouvent sur leurs instruments habituels.

Kurt Mohr (in Rock & Folk n° 7 mai 1967)

 

 

 

   

 

 

 

 

 

 

OTIS REDDING & CARLA THOMAS - DUO: 1967

Lovey dovey. Tramp. Knock on wood. Bring it on home to me. Let me be good to you. Ooh Carla, ooh Otis. Are you lonely for me baby. It takes two. Tell it Iike it is. When something is wrong with my baby. New year's resolution.

STAX 69003

 

Avec deux artistes comme Otis et Carla dans la même maison, Il était tentant de les faire enregistrer ensemble. Le résultat est un bon 30 cm, mais qui présente toutefois quelques inégalités. Le duo manque évidemment du rôdage qu'on peut trouver chez des artistes qui passent ensemble sur scène et le choix des thèmes est davantage le reflet de quelques gros succès de l'année écoulée qu'une création originale. De même les arrangements n'ont pas toujours le fini auquel nous ont habitués les meilleures productions de l'équipe de Memphis.

Vous pouvez trouver les originaux de «Tramp» par Lowell Fulson (sur Kent, hélas inédit en France), de «Knock on wood» par Eddie Floyd, de «Bring it on home» par Sam Cooke, de «Are you lonely» par Freddie Scott, de «It takes two» par Marvin Gaye et Kim Weston, de «Tell it like it is» par Aaron Neville et de «When something» par Sam & Dave. Le clou du recueil est à mon avis «Tramp» qui peut rivaliser avec la formidable version originale de Lowell Fulson. La raison en est bien simple : Otis et Carla dialoguent plus qu'ils ne chantent, ils cafouillent et se chamaillent avec un naturel qui laisse soupçonner bien des choses. Et l'arrangement orchestral colle à merveille. Ce genre de dialogue a fait l'objet d'enregistrements depuis le début des années vingt (Butterbeans & Suzie, George Williams & Bessie Brown, etc.), mais c'est la première fois depuis très longtemps qu'on en trouve une version moderne. Je donnerai la transcription de l'essentiel des paroles (qui ne prennent d'ailleurs toute leur saveur que si on les entend relatées avec l’inénarrable accent de notre duo) et qui montrent bien qu'entre une fille et un garçon, qu'on se trouve au Tennessee, en France ou au Kamtchatka, les discussions tournent toujours autour du même sujet :

 

 

 

   

 

 

 

Carla : Tramp !          

Otis : What you call me ?

Carla : Tramp !

You don’t wear continental Clothes 

or Steton hats.

Otis : But I’ll tell you one doggone thing :

It makes me feel good !

You know one thing ? l’m a lover !

Carla : You know what, Otis ?

Otis : What ?

Carla : You’re «country» !

Otis : It’s all right !

Carla : You're straight from 

the Georgia Woods !

Otis : That's good !

Carla : You know what ? 

You wear overalls and big 

old Brogham shoes.  

And you need a haircut, tramp !

Otis : Haircut ? Woman, oooh ! l’m a lover !

(Otis marmonne Inintelligiblement)

Carla: Tramp ! You know what, 

Otis ? I don't care what you say, 

you're still a tramp !

Otis : What ?

Carla : That's right ! You haven’t even

 got a fat bankroll in your pocket !

You probably haven’t even got twenty-five cents !

Otis : I got six Cadillacs, five Lincolns, 

four Fords, six records, three T-Birds and

 a Mustang.Ooooh,  l'm a lover !

Carla : See what I mean ?  

 

Carla: Clochard !

Otis: Comment tu m'appelles ?

Carla: Clochard !  

Tu ne portes pas de

complets ni de chapeaux de feutre.

Otis : Mais je vais te dire une chose: c'est comme

ça que je me sens à l'aise ! Et tu veux savoir une

chose ? Je suis un Don Juan !

Carla : Tu sais quoi, Otis ?

Otis : Quoi?

Carla : Tu fais péquenot !

Otis : Tant mieux !

Carla : T'as l’air de venir tout droit 

des forêts de la Géorgie !

Otis: Formidable !

Carla: Tu sais quoi ?

Tu t’promènes en pèlerine avec de vieilles

grosses bottines. Et t'as besoin d'aller chez le

coiffeur, clochard !

Otis: Coiffeur? Oh femme de mes rêves !

Mais je suis un Don Juan !

Carla :Clochard ! Tu veux savoir une chose,

Otis ? Tu peux dire tout ce que tu veux,

tu restes toujours un clochard !

Otis : Quoi ?

Carla : Parfaitement ! Tu n'as même pas une liasse

de billets de banque dans ta poche ! 

Tu n'as probablement même pas vingt cinq cents !

Otis : Mais j'ai six Cadillacs, cinq Lincolns,

quatre Fords, six disques, trois Thunderbirds et

 une Mustang. Oooh, je suis un Don Juan !

Carla : Tu vois ce que je disais ?

 

Kurt Mohr  (in Rock & Folk n°9 juillet 1967)

 

 

 

 

RHYTHM & BLUES SHOW AT THE OLYMPIA : 1967

BOOKER T & THE MG'S. Hip Hug‑her. Working In the coalmine. THE MARKEYS : Grab this thing. ARTHUR CONLEY: Sweet soul music. EDDIE FLOYD: Raise your hand. Knock on wood. CARLA THOMAS: I got my mojo working. SAM & DAVE: You don't know like I know. When something is wrong with my baby. OTIS REDDING: Fa fa fa fa fa. Try a little tenderness.

STAX 69005

 

Les enregistrements publics, quand la prise de son est bonne, et c'est le cas ici, peuvent bénéficier de l'ambiance excitée de l'audience ou au contraire refléter la nervosité des artistes. Cette dernière se manifeste notamment par l'adoption de tempos trop rapides. C'est le cas de «Hip Hug‑her», morceau par lequel débutaient tous les concerts. C'est aussi vrai pour Eddie Floyd, qui déploie un peu trop de zèle à vouloir faire participer le public par des exhortations et des claquements de mains. Par ailleurs, Arthur Conley semble avoir la situation bien en mains et sa longue version de «Sweet soul music» est bien plus chouette que celle, trop forcenée, faite en studio. Pendant la partie parlée (et dansée) vous vous en mettez plein les oreilles avec la section rythmique. Les Mar‑Keys, Carla, Otis, Sam & Dave, tous nous donnent de bonnes performances, sans toutefois parvenir à leur sommet. Si vous possédez déjà les versions faites en studio, ce disque ne vous apportera pas grand chose de nouveau: seule Carla Thomas n'avait jamais enregistré «Mojo». Si ce n'est pas le cas, ce disque sera une excellente acquisition, d'autant plus qu'il est fort bien présenté dans une double pochette, illustrée et comprenant des renseignements biographiques sur les artistes.

Signalons à ce propos que la photo des Mar‑Keys présente de gauche à droite Duck Dunn (f‑b), AI Jackson (dm), Joe Arnold (ts), Wayne Jackson (tp). Andrew Love (ts) et Steve Cropper (g). C'est également Steve qu'on reconnaît entre Sam et Dave. C'est donc cette formation (et non celle de 1962, mentionnée dans la pochette) qui fournit l'accompagnement tout au long de ce disque, enregistré le 23 mars à l'Olympia et publié uniquement en France.

Kurt Mohr (in Rock & Folk n°10 août septembre 1967)

 

 

 

 

  

 

 

    

 

 

 

 

 

THE OTIS REDDING STORY - 1967

l've been loving you too long. These arms of mine. Pain in My heart. Respect. Mr.Pitiful. Rock me baby. Satisfaction. Security. Louie Louie.  My girl. My lover's prayer. you're still my baby. Fa, fa, fa, fa, fa. I'm coming home. l'm sIck y'all. Ole man trouble. I love you  more than words can say. Glory of love. Day tripper.Shake. I can't turn you loose.Tramp. Hawg for you.Try a little tenderness.

STAX  69.007 et  69.008 (2 x 30 cm)

 

 

      

 

 

La parution de ce double album en France a tragiquement coïncidé avec l'annonce de la mort d'Otis. Celui‑ci aurait certainement été touché par cet hommage, car le public français l'avait adopté sans réserves, plus spontanément même que le grand public américain. Tout le monde en France n'a pas eu l'occasion de l'entendre et le voir en personne et sa disparition soudaine aura, certainement eu pour effet de le faire découvrir à bien des amateurs de la dernière heure. Pour tous ceux qui n'ont que peu ou pas de disques d'Otis, cette collection sera indispensable. Elle contient pratiquement tous les meilleurs, les plus célèbres enregistrements du grand chanteur. Il y aura sans doute encore de quoi composer plusieurs LP avec les inédits, mais les grands tubes sont tous là, entre vos mains, dans une pochette dépliante ornée d'une grande photo couleur de Jean Pierre Leloir,  montrant Otis lors de son premier, passage à l'Olympia.

On y reconnaît, de gauche à droite Leroy Hadley (guitare), J. Alfred Cook (basse), Bob Holloway  et Charles FairIey (ténor sax), Elbert  Woodson, (drums), Leroy Flemming (baryton sax), Ambrose Jackson et Leroy Monroe (trompette), Clarence Johnson (trombone). Cet orchestre n'est pas celui qui joue dans le disque.

Tous ces titres avaient déjà été précédemment édités en France, sous forme de 33 ou 45 tours, sauf un: «Rock me baby», un blues lent, poignant: un véritable chef d'oeuvre. L'écoute de ces disques vous convaincra, qu'Otis  Redding n'a pas usurpé de popularité.

Kurt Mohr (in Rock & Folk n° 16 mars 1968)

 

 

 

 

 " Notes de pochette "

 

«Call me Mr. Pitiful, Baby that's my name.

Call me Mr. Pitiful,

That's how I got my fame» 

«Appelez‑moi M'sieur Piteux‑état,

C'est ainsi que je m'appelle.

Appelez‑moi M'sieur Piteux‑état,

C'est ainsi que je suis connu».

 

Ce surnom, qu'Otis Redding s'est donné dans une de ses chansons, il aurait bien pu lui rester. Le piteux état d'un individu désespérément amouraché, ce fut pendant longtemps le thème favori des chansons d'Otis. Et comme personne d'autre il avait su trouver un style, une façon bien personnelle de les interpréter, implorant, suppliant, trépignant... le tout assaisonné d'une gentille petite dose d'exagération, avec le sourire au coin des lèvres comme de bien entendu !

 Otis Redding est né le 9 septembre 1941 à Dawson (Géorgie) de famille modeste. Pas de hautes études ni de diplômes, Le meilleur moyen de gagner sa vie (surtout lorsqu'on est doué) c'est la musique. Comme il réside à Mâcon, il est naturel qu'il s'inspire tout d'abord de Little Richard, originaire de cette même ville. A l'âge de dix‑huit ans, il enregistre son premier disque pour une petite marque de la région, sous le titre de «Otis & the Shouters» . ‑ «She's allright», puis «Sout Bamalama» et «Fat Girl» . Le succès ne vient pas et Otis part en tournée en tant que chanteur du groupement de Johnny jenkins. C'est ce dernier qui le présente à Jim Stewart, le directeur des marques Volt et Stax, en lui suggérant d'enregistrer son titre «These arms of mine». Johnny Jenkins y joue de la guitare, Steve Cropper est au piano, Lewis Steinberg à la basse et AI Jackson à la batterie. Date 1962, lieu Memphis, résultat : premier gros «tube» pour Otis ! Quelques mois plus tard ce sera au tour de «Pain in my heart». Cette fois on réclame Otis à New‑York et il lui faut affronter le public de l'Apollo: c'est le triomphe ! Ce mémorable concert a été heureusement préservé sur un disque «Apollo Saturday Night», naguère publié en France.

A partir de ce moment, Otis Redding forme son propre orchestre qui l'accompagnera partout dans ses tournées. Il s'associe avec un jeune manager de Mâcon, Phil Walden, pour lancer une marque de disques (Jotis) où il pourra développer et lancer à son tour de nouveaux artistes. Son plus grand succès : Arthur Conley. Quant à ses propres enregistrements, il les fera comme par le passé à Memphis ou à Muscle Shoals pour le compte de la marque Volt (Stax, en France) où il travaille en étroite collaboration avec la fameuse équipe de musiciens connue sous le nom de Mar‑Keys. On y trouve notamment le guitariste Steve Cropper. le bassiste Duck Dunn, le batteur AI Jackson, ainsi que Booker T. Jones et Isaac Hayes qui jouent alternativement du piano et de l'orgue. Ce sont ces musiciens. les véritables créateurs du «Memphis Sound», le plus prisé et le plus imité aujourd'hui dans toute la musique de variétés.

 Otis Redding est non seulement I’auteur et le compositeur de la plupart de ses chansons, mais c'est également lui qui conçoit ses arrangements, sobres mais remarquablement efficaces. Il a en cela d'autant plus de mérite qu'il ne sait pas écrire la musique. Taquinant un peu de la guitare et du piano, il ne lui en faut pas plus pour expliquer aux musiciens comment il veut bâtir un morceau. Cette façon de procéder, presque instinctive, a l'immense avantage de ne pas s’encombrer de clichés tout faits et de fournir un cachet personnel à chaque interprétation. Les exemples abondent dans le présent recueil et je ne voudrais que citer pour mémoire l'admirable crescendo qui rénove complètement le vieux standard   «Try a little tenderness».

Otis Redding, d'ailleurs ne tire aucune vanité de ses accomplissements et il est resté un homme charmant et modeste. Nulle trace de cabotinage, tout juste une certaine assurance, marque d’une réussite répétée. Ses exploits, ce n’est pas de sa bouche que je les ai appris, mais de la part de ses musiciens, de son entourage. Ce même Otis Redding qui arpente la scène à grands pas, image même du gai laboureur, tour à tour déchaîné et enjoué, sait à ses heures être calme et pondéré. «Ce qu'un autre peut faire ‑ dit‑il ‑ pourquoi ne le ferais‑je pas moi‑même ? Et s'il me faut apprendre. eh bien j'apprendrai !»

 Otis partage son temps entre ses tournées de concerts et ses productions de disques à Mâcon.  Il adore l'aviation et prend en ce moment des cours de perfectionnent pour pilotage sur bimoteur.

Kurt Mohr.

 

 

 

 

 

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