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JUKEBOXE MAGAZINE n° 66

Janvier 1993 / OTIS REDDING - 25 ans déjà

 

 

Vingt-cinq ans après sa mort tragique, le 10 décembre 1967, l'ombre d'Otis Redding,  dont la carrière en première ligne des charts n'a duré que trois ans, de 1965 à 1967, plane toujours sur le monde du rhythm'n'blues et de la soul music. Son talent était immense, alliant à la fois celui d'interprète, de compositeur et de showman d'exception. Jacques Leblanc vous propose ici de revivre sa trajectoire à travers sa discographie française qui à été d'une grande richesse, tant en single, EP et 33 tours, ses deux passages à l'Olympia, en 1966 et 1967, ayant créés l'évènement dans notre pays.
 

Respect.
 

 

PAIN IN MY HEART

 

Né le 9 septembre 1941 à Dawson, près de Macon en Georgie, tout comme Little Richard et James Brown, Otis Redding est décédé le 10 décembre 1967 quand I'avion Beechcraft qui I'emmenait en tournée de Cleveland (Ohio) s'est écrasé dans le lac Monona, près de Madison dans le Wisconsin, entraînant avec lui quatre membres de son groupe, les Barkays, le seul survivant étant le trompettiste Ben Cauley. Ce formidable chanteur de soul/rhythm'n'blues, également compositeur, pianiste et producteur, à débuté en 1960 sous le nom de Otis & The Shouters en enregistrant pour le label Confederate son premier disque, «Shout Bamalama» / «Fat Gal» encore très marqué par le style de Little Richard, dans le studio d'une station de radio de Athens, en Georgie, réédité en France en 1968 par Polydor.  Puis il enregistre quatre titres de sa composition pour la marque Lute, en 1961, soit «Gettin' Hip»  «Gamma Lama»  «She's All Right» et «Tuff Enuff»  qui feront en 1968 I'objet d'un EP français chez Vogue, et même d'un album, augmenté de huit morceaux de Little Joe Curtis, avant que les deux premiers soient repris sur un single Byg en 1969, sous licence Budget Sound. Enfin, en 1962, Otis Redding rejoint l'orchestre de Johnny Jenkins & The Pinetoppers comme chauffeur. En octobre, à I'occasion d'une des sessions du groupe pour I'enregistrement de «Twist Love» dans les studios Stax, situés sur Mc Elmore Avenue à Memphis dans un ancien cinéma, sous la houlette du guitariste Steve Cropper des MG's, Otis met en boîte «Hey Hey Baby» un titre à la Little Richard, et sa composition «These Arms Of Mine» (Volt 103) qui se classe 85e dans les charts US en mai 1963.

 

               

 

Pour cette session il est entouré de Steve Cropper (guitare), Lewis Steinberg (piano), Johnny Jenkins (basse) et AI Jackson (batterie). Il est ainsi engagé chez Stax, le label fondé par Jim Stewart et sa soeur Estelle Axton, dont le nom provient des deux premières lettres de leurs patronymes: ST et AX. Sur cette marque figurent déjà des artistes comme Booker T. & The MG's, Rufus Thomas (le créateur de «Walking The Dog» repris par les Rolling Stones) et sa fille Carla auxquels viendront  s'ajouter, entre autres, le duo démoniaque Sam & Dave («You Don't Know Like I Know», «Hold On, I'm Coming» et Eddie Floyd «Knock On Wood» , «Big Bird»). L'orchestre de Booker T. Jones (orgue, piano) constitue la cellule de base des studios Stax, avec Steve Cropper (guitare), Donald ( Duck ) Dunn (basse), AI Jackson (batterie, qui a été assassiné en 1976) et aussi, mais uniquement en studio, Isaac Hayes (piano, orgue), soit le Memphis Group ou en abrégé les MG's. Quand ils sont augmentés d'une section de cuivres, avec Joe Arnold, Wayne Jackson et Andrew Love, ils deviennent les Markeys.

On doit aux premiers des hits comme «Green Onions» et aux seconds un classique tel que a «Last Night» (indicatif inusable de Salut Les Copains sur Europe N°1). Sur ce principe, la formation de scène d'Otis Redding prendra le nom des Barkays. En attendant c'est là qu'il va enregistrer tous ses morceaux, non pas sur Stax directement  mais sur sa sous-marque Volt, distribué par Atco, filiale d'Atlantic, dont le contrat de licence est détenu en France par Barclay. Plus tard, Otis Redding fondera, avec son mentor Phil Walden, son propre label, Jotis, sur lequel il engagera son protégé Arthur Conley.

Mais pour l'instant, il grave un nouveau disque avec sa reprise de «Pain In My Heart» (Volt 112), N°61 en novembre 1963 au Hot 100 du Billboard américain. Les Rolling Stones seront parmi les premiers à lui rendre hommage en popularisant sa version sur scène dès 1964, avant de l'inclure sur leur EP en public «Got Live If You Want It» en 1965. Enfin A partir de 1964, la carrière d'Otis se développe véritablement aux Etats-Unis en devenant la principale attraction des shows Stax/Volt qui parcourent le pays sous forme de Rhythm’n’Blues Revue, avec les autres artistes du label, en concurrence avec les tournées Tamla Motown. Il conquiert ainsi le public noir, tout en commençant à toucher une partie du public blanc branché soul music. On le voit ainsi à New York à l'Apollo de Harlem où il triomphe, engendrant la parution du LP «Live Apollo Saturday Night» sur lequel il chante son tube «These Arms Of Mine». Son style est encore fortement marqué par son maître Sam Cooke dont il fera triompher l'inoubliable «Shake» . En mars 1964, Otis est de retour dans les charts US, en N°69 avec le 45 tours «Come To Me» (Volt 116), suivi en mai de «Security» (Volt 117), qui pénètre de justesse dans le Top 100 (N°97) En France, Bel Air, filiale de Barclay, en profite pour éditer son premier super 45 tours qui regroupe «Pain ln My Heart», «Security», «Hey Hey Baby» et sa reprise de «Lucille» de Little Richard, illustré d'une très belle pochette en noir et blanc.  

 

 

Mr. PITIFUL

 

Son simple américain suivant, «Chained And Bound» (Volt 121), lui permet d'atteindre la 70e position en octobre 1964. Mais il faut attendre le double hit-single «Mr.Pitiful»/«That's How Strong My Love Ils» (Volt 124) pour qu'Otis Redding réussisse une percée plus remarquée dans les charts, puisque ces deux titres se classent respectivement N°41 et N°74 en février 1965. Encore une fois les Stones sont particulièrement sensibles à son interprétation de «That's How Strong My Love Is» et ils décident d'inscrire ce morceau à leur répertoire, tout comme les Moody Blues et les Creation. De son côté «Mr.Pitiful», une composition d'Otis qu'il a co-signée avec le guitariste Steve Cropper, sera reprise en France par Dick Rivers au printemps 1966, alors que Johnny Hallyday s'offre à la même époque «ln The Midnight Hour» («Jusqu'à Minuit») de Wilson Pickett, un autre morceau écrit par Steve Cropper. Dans la foulée Otis Redding décroche son véritable premier gros succès avec une autre de ses créations, le poignant «I've Been Loving You Too Long (To Stop Now)» (Volt 126) qui frôle le Top 20, en culminant en 2le position en mai 1965. Ce nouveau hit fait encore une fois le bonheur des Stones sur scène, avant qu'Herbert Léonard ne s'en empare en 1967 sous le titre «Tu Dis Que Notre Amour». Dès lors la série des tubes d'Otis se poursuit avec «Respect» (Volt 128) qui se classe N°35 en septembre 1965 et dont Aretha Franklin fera l'un de ses morceaux fétiches (N°1 en mai 1967). En France « Respect » a droit à son adaptation par johnny hallyday au printemps 1966. Ces deux tubes successifs relancent sa production française avec un single couplant «I’ve Been Loving You Too Long» et «respect», et un EP reprenant ces deux titres plus «Ole Man Trouble» et sa version du super tube des stones de l’été 1965, «satisfaction».
 

 

 

D’ailleurs, suite au relatif échec du single «just One more day» (volt 130), N°85 en décembre 1965, Otis redding, qui a enregistré en octobre sa percutant version de «satisfaction» pour renvoyer la balle aux rolling Stones qui ont contribué à le faire découvrir en Angleterre par leurs reprise de «That’s How Strong my love is», «pain in My Heart» ou «I’ve been Loving You Too Long», décide de sortir ce titre en 45 tours, après l'avoir inclus sur son dernier album.   «Satisfaction» (Volt 132) s'avère être un bon choix puisque le disque monte en 3le position dans les hit-parades américains en mars 1966. Aretha Franklin enregistrera à son tour «Satisfaction» dans la même optique. Un premier 33 tours français est alors publié sur Atco avec une sélection de 12 morceaux, faisant autant référence à ses créations («Respect », «These Arms Of Mine», «Mr. Pitiful», «l've Been Loving You Too Long») qu'à ses versions de standards qu'il sait merveilleusement mettre en valeur («Pain ln My Heart», «Satisfaction», «My Girl», «Shake», «Louie Louie», «Lucille»). Puis Otis met en boîte une autre de ses compositions, «My Lover's Prayer» (Volt 136), qui obtient un bon succès en juin 1966 (N°66). C'est dans ce genre de ballade qu'il fait passer toute son émotion, faisant de lui un soulman unique, digne de son idole, le regretté Sam Cooke. C'est le cas lors du concert qu'il donne le 30 mars 1966 au fameux Whisky A Gogo de Los Angeles devant un public en majorité blanc et en présence de Bob Dylan. Un show miraculeux qui devait, fin 1968, donner naissance à l'album «In Person At The Whisky A Gogo» où Otis, entouré de ses musiciens, James Randolph Young (guitare), Ralph Stewart (basse), Elbert « Woody » Woodson (batterie), Bob Holloway, Bobby  « Rock » Pittman, Donald Henry (saxos), Sammie Coleman, John Farris (trompettes) et Clarence «Jay» Johnson (trombone), offre le meilleur de lui-même, de ses hits «I Cant Turn You Loose» à «Respect», en passant par «Pain In My Heart», «Mr. Pitiful», «These Arms Of Mine» et ses reprises de «Satisfaction» des Stones et de «Papa's Got A Brand New Bag» de son concurrent James Brown.

 

OLYMPIA  PARIS 1966  photo JL Rancurel
 (c) photothèque  Rancurel

LIVE IN EUROPE

Après avoir écumé les USA en long et en large, il est temps pour Otis Redding de conquérir le public européen, à commencer par l’Angleterre, où il rencontre Johnny Hallyday au Blaise’s Club de Londres. En France sa prochaine venue entraîne la publication de deux nouveaux super 45 tours. Le premier présente deux versions de deux standards de son maître, Sam Cooke, «Wonderful World» et l’explosif «Shake» sur une face, et sur l’autre son inusable morceau de scène «I Can’t turn You Loose» et sa reprise de la ballade «My Girl» des Tempations. Un simple en est tiré avec «My girl» et «Wonderful World». Sur le second on trouve son dernier succès US, «My Lover’s Prayer», augmenté de titres plus anciens, soit les remarquables  «Mr. Pitiful», «These arms Of Mine» et «Dont Mess With Cupid» enfin publiés dans notre pays. Chez nous, Johnny Hallyday fera de ce dernier morceau l'un des thèmes favoris de son répertoire scénique en 1966-67, adapté en «Ne Sois Pas Si Stupide». Là aussi un single français existe avec «My Lover's Prayer» et «Dont Mess With Cupid». Puis Otis Redding arrive à Paris où il survolte le public de l'Olympia au cours des deux impressionnants shows qu'il donne le 10 septembre 1966, où il arpente la scène à grands pas, soutenu par un orchestre comprenant Lee Royal Hadley (guitare), Jay Alfred Cook (basse), Elbert Woodson (batterie), Bob Holloway, Charles Fairley, Leroy Flemming et Ambrose Jackson (cuivres). A cette occasion, Otis est aussi reçu en direct au Pop Club de José Artur sur France Inter. A Londres, il est la vedette le 16 septembre d'une édition spéciale de l'émission TV Ready Steady Go où, outre ses interprétations de  «Satisfaction», «My Girl», «Respect», «Pain In My Heart» et «I Can't Turn You Loose», il chante «Hold On l'm Comin'» de ses collègues Sam & Dave, en duo avec Eric Burdon des Animals, et  «It's A Man's Man's Man's World» de James Brown, en duo avec Chris Farlowe, le protégé de Mick Jagger. Enfin, pour le final, Otis se lance en compagnie de Burdon et Farlowe dans un ravageur  «Shake» suivi du classique «Land Of 1000 Dances». Explosif.  

 

READY

STEADY GO

1966


Dans le cadre de ces spectacles, il propose son nouveau hit «
Fa Fa Fa Fa Fa (Sad Song)» (Volt 138) qui sort en single en octobre 1966 et monte à la 29e place dans les charts. Ce simple a droit à une parution française simultanée, avec «Good To Me» en face B. Chez nous, «Fa Fa Fa Fa Fa» est repris par Ronnie Bird et les Sharks sur scène. Otis Redding enchaîne ensuite avec sa fulgurante cover du standard «Try A Little Tenderness» (Volt 141) qu'avait déjà repris Aretha Franklin en septembre 1962. «Try A Little Tenderness» lui permet de se classer 25e aux Etats-Unis en décembre 1966. En France, les Jelly Roll l'ont enregistré sous le titre «J'Travaille A La Caisse» en 1968. Cela nous vaut un cinquième super 45 tours français, début 1967, avec l'inoubliable «Try A Little Tenderness» et son tempo qui va crescendo, couplé avec «I'm Sick Y'All», «She Put The Hurt On Me» (repris par les Smoke sur scène) et sa version de «Day Tripper» des Beatles. Cette fois, après les pochettes en noir et blanc, celle-ci est en couleurs avec un cliché de Jean-Pierre Leloir pris à l'Olympia lors des Musicorama de septembre 1966 à l'Olympia. Là encore un single français nous est proposé, couplant «l'm Sick Y'All» et «Day Tripper». Un second 30 cm, cette fois sur Stax, est également distribué en France sous le titre «Day Tripper». En plus de ses récents succès en 45 tours, on y trouve des morceaux comme «Tennessee Waltz », «Sweet Lorene», «You're Still My Baby» ou «Love Have Mercy», d'une grande qualité. La compilation «Rhythm' n' Blues Panorama» sort dans la foulée, avec les titres d'Otis «Scratch My Back» et «Treat Her Right», couplés avec ceux d'autres artistes des écuries Atlantic et Stax. 

 

Fondée en 1960 à Memphis (Tennessee) par Jim Stewart et sa soeur Estelle Axton, la firme STAX, ainsi que sa filiale Volt, est devenue en quelques années la première marque mondiale de rhythm and blues.

Sous la direction du guitariste et arrangeur Steve Cropper l'équipe STAX à crée un son - le célèbre Memphis Sound. Vous l'entendez dans les enregistrements d'Otis Redding, Sam et Dave, Rufus et Carla Thomas, Eddie Floyd, Booker T.& the MG'S, The Mar-keys, etc...,etc..., ainsi que des artistes Atlantic tels que Wilson Pickett et Don Covay.

Ce son, que tout le monde cherche à imiter, fait actuellement trembler les murs des night-clubs et discothèques des cinq continents.

 

 

Sur ce principe, vont naître les séries françaises «Formidable Rhythm'n'Blues», «Terrible Rhythm'n' Blues», etc. qui contribuent grandement au succès de ce style musical dans notre pays, en proposant régulièrement les hits compilés d'Otis Redding, mais aussi d'Aretha Franklin, Sam & Dave, Wilson Pickett, Percy Sledge, Arthur Conley, Joe Tex, Booker T. & The MG's, Ben E. King, etc. Otis est de retour en Angleterre le 17 mars 1967, au Finsbury Park Astoria de Londres, pour une tournée qui s'achève le 2 avril, au Birmingham Theater. Entre-temps, il se produit de nouveau à Paris où il est la vedette de l'Olympia, le 21 mars, à 19h et 22h, dans le cadre du Stax Show en compagnie de Booker T. & The MG's, Arthur Conley, Eddie Floyd, Carla Thomas et du fantastique duo Sam & Dave. C'est Hubert d'Europe N°1 qui présente ces deux Musicorama alors qu'à Londres l'honneur en revient au Président Rosko. Pour l'occasion, Jim Stewart (le fondateur de Stax), Jerry Wexler et Tom Dowd (producteur et ingénieur du son de chez Atlantic) sont à Paris pour enregistrer les spectacles en vue d'un album live à l'Olympia. Tel un ouragan, Otis se déchaîne sur scène et impose ses classiques, «Respect»,  «I Can Turn You Loose», «l've Been Loving You Too Long», «My Girl», «Shake », «Satisfaction», «Fa Fa Fa Fa Fa», «These Arms Of Mine», «Day Tripper» et «Try A Little Tenderness» (malgré l'absence de titres majeurs comme «Pain In My Heart» ou «Mr. Pitiful»). Cette série de shows sera compilée en 1970 pour donner le formidable album «Live In Europe». Que ce soit dans les morceaux lents, comme l'émouvant «Try A Little Tenderness», ou les titres rapides comme le torride «Respect», Otis Redding est une montagne de soul qui sait communiquer avec ferveur sa passion et ses émotions. Au cours de ces deux concerts d'une intensité extrême, toute l'équipe de chez Stax offre un époustouflant panorama en matière de rhythm'n'blues, digne concurrent de ceux de l'écurie Tamla Motown. Les fabuleux Sam & Dave apparaissent comme les révélations de ces soirées, tandis qu'Otis Redding y connaît une définitive consécration parisienne amplement méritée, démontrant que la soul music peut aussi bien faire le bonheur du public noir que celui des Blancs.

 

         

 

DOCK OF THE BAY

 

De retour aux Etats-Unis, Otis enregistre le simple  «I Love You More Than Words Can Say» (Volt 146) qui est un semi-échec, en plafonnant en N°78 du Hot 100 en avril 1967. Mais son succès en France est si important qu'il est aussitôt commercialisé en EP, regroupant «I Love You More Than Words Can Say»/«Let Me Come On Home» et deux titres plus anciens, «Scratch My Back» et «Treat Her Right», le tube de Roy Head. Otis Redding se rattrape ensuite grâce à sa version de «Tramp», en duo avec Carla Thomas (Stax 216), distribué parallèlement en single en France, qui s'inscrit 26e des charts en mai 1967, avec «Tell It Like It Is» en face B. «Tramp» fera le bonheur de Julie Driscoll quelques mois plus tard. Entre-temps, un autre simple en duo avec Carla Thomas est paru chez nous, avec «Are You Lonely For Me Baby» et «Lovey Dovey». Ces morceaux sont extraits de l'album «Duo» où Otis et Carla se renvoient la balle avec brio, notamment dans «Ooh Carla, Ooh Otis», ou encore dans les reprises de  «Bring It On Home To Me» de Sam Cooke, et «When Something Is Wrong My Baby» de Sam & Dave, une composition de Isaac Hayes et Dave Porter. Dans la foulée, «Shake» (Volt 149), l'hommage d'Otis Redding à son idole Sam Cooke, est publié en simple le même mois, dans une version live enregistrée à Londres en mars 1967, couplée à «Fa Fa Fa Fa Fa», ce qui lui vaut d'atteindre la 47e position dans les hit-parades US. Ces deux singles engendrent immédiatement la parution d'un super 45 tours français, avec sur une face «Shake» et «Fa Fa Fa Fa Fa» en versions public, tandis que sur l'autre on le retrouve en duo avec Carla Thomas dans «Tramp» et «Knock On Wood» de Eddie Floyd. «Shake» est également édité en simple, avec «You Don't Miss Your Water» en face B. Bien sûr, on a également droit au légendaire album «Rhythm'n'Blues Show At The Olympia» qui est devenu un classique du genre avec son équivalent anglais « Live In London», tous deux réédités en CD et augmentés d'un volume 3 intitulé «Live In Europe».  
 


Puis, après avoir triomphé en Europe, notamment à Londres et à Paris, en septembre 1966 et en mars 1967, Otis est programmé, dans le cadre du Monterey Pop Festival, en Californie, du 16 au 18 juin, où il conquiert enfin le public blanc américain. Alors que la majorité des hippies sont venus applaudir Janis Joplin & Big Brother, les Who, Eric Burdon & Les Animals, les Mamas & Papas et Jimi Hendrix Experience, dans leurs habits bariolés, en présence de Brian Jones des Stones, Otis Redding, en costume strict, fait un malheur comme en atteste le film de D.A. Pennebaker «Monterey Pop» et le disque qui en a été tiré en juin 1970, baptisé «Monterey International Pop Festival, June 1967» dont il partage l'affiche avec Jimi Hendrix qui devait décéder peu après, le 18 septembre 1970. Sa version de «Respect» est incendiaire et le feeling qu'il fait passer dans «Try A Little Tenderness» époustouflant. La flamme d'Otis est immense, aussi bien dans les morceaux rapides comme «Shake» ou «Satisfaction» que dans une ballade vibrante comme «l've Been Loving You Too Long» où son interprétation est splendide. Il enchaîne ensuite avec «Glory Of Love» (Volt 152), N°60 en juillet 1967, couplé avec «I'm Coming Home» et aussi distribué en single dans notre pays, suivi de sa version de «Knock On Wood» de son compagnon d'écurie Eddie Floyd, de nouveau en duo avec Carla Thomas (Stax 228) qui culmine en 30e en août 1967, alors qu'à la même époque Johnny Hallyday en donne l'adaptation française baptisée «Aussi Dur Que Du Bois». Pour la rentrée, la France a droit à une pièce unique en matière de collector d'Otis Redding sous la forme d'un 33 tours 15 cm lancé par Barclay, couplant six de ses succès «Shake», «Day Tripper», «Satisfaction» «Respect», «Mr. PitifuI» et  «I Can't Turn You Loose», mais dans des versions limitées à deux minutes, ce qui entraînera l'échec de la série au bout de quelques références.

 

 

MICRO BOOM

STAX / 30002

33t / 15cm

disque de poche

 

 

Durant l'automne 1967, Otis est en studio chez Stax pour composer en compagnie du guitariste Steve Cropper et mettre plusieurs chansons en Boîte. Dans la vidéo «Remembering Otis», qui inclut des passages filmés lors des shows Stax et au festival de Monterey, on y voit l'évocation à base de photos d'archives de son dernier hit, «The Dock Of The Bay», (adapté bien plus tard en français par Bill Deraime en «Sur Le Bord De La Route»), avec en final le célèbre passage sifflé. C'est ainsi que trois jours avant sa mort, le 7 décembre 1967, il enregistre la superbe ballade «(Sittin' On) The Dock Of The Bay» (Volt 157) qui devient son unique N°1 de plus posthume, en janvier 1968. Il ne sait pas encore qu'il s'agit de sa dernière séance et que ce 45 tours va être certifié, disque d'or au printemps 1968, avec quelque quatre millions d'exemplaires vendus à travers le monde, restant son plus gros succès. En effet, trois jours plus tard, le 10 décembre, en pleine tournée US, l'avion privé qui transporte Otis et ses musiciens de scène, les Barkays, s'écrase dans un lac près de Madison, dans l'Etat du Wisconsin. Le trompettiste Ben Cauley est le seul survivant de ce tragique accident. La disparition prématurée d'Otis Redding à 26 ans est une lourde perte, non seulement dans le monde de la soul music et du rhythm'n'blues, mais aussi auprès des amateurs de pop-rock music blanche qu'il avait su conquérir encore mieux que James Brown. Otis était un détonateur et un catalyseur à qui de nombreux artistes devaient beaucoup, que ce soit son poulain Arthur Conley (avec «Sweet Soul Music»), son alter ego féminin Aretha Franklin (avec «Respect») ou les Rolling Stones avec lesquels il avait entrepris un échange concluant de bons procédés, eux reprenant «l've Been Loving You Too Long» et lui chantant leur hymne «Satisfaction».  

 

 

Avec sa mort, l'univers du rhythm'n'blues est plus qu'en deuil, car Otis, malgré les nombreux succès qu'il avait enregistrés n'était encore qu'à l'aube d'une carrière qui avait tout pour devenir encore plus populaire, comme en atteste son dernier tube «The Dock Of The Bay». Tout cela au moment où paraît, étrange coïncidence du destin, le double album  «The Otis Redding Story», retraçant avec passion sa carrière en 24 titres élogieux, présenté par Kurt Mohr. Dès lors une impressionnante série d'inédits va sortir pour commémorer la mémoire d'Otis. Un phénomène sans fin qui ne s'arrêtera pas même après la fin du contrat de distribution de Stax par Atlantic au printemps 1968, voyant le catalogue Otis Redding réédité sur étiquette Atco. Tous ces morceaux ne peuvent que nous faire un peu plus regretter la mort d'Otis, ce magnifique chanteur qui se doublait d'un extraordinaire showman, comme on avait pu le constater lors de ses fulgurantes prestations à l'Olympia. Après Buddy Holly, Eddie Cochran et son idole Sam Cooke, la légende du rock'n'roll et du rhythm'n'blues perdait avec Otis Redding l'un de ses plus fervents apôtres. Sur la lancée du double LP «The Otis Redding Story», une série de dix simples est commercialisée sous le même titre (voir discographie), en reprenant soit des singles déjà parus, soit de nouveaux couplages, comme celui du volume 9 offrant ses intéressantes versions de «Chain Gang» de Sam Cooke et «Rock Me Baby» de B.B. King. Une collection vite augmentée d'un volume 11, avec bien sûr «The Dock Of The Bay» en face A et «Sweet Lorene» en face B, le tout emballé dans un coffret offert avec les dix preuves d'achat de la série, plus une édition originale de la revue Soul Bag.  
 

 


 

ATTENTION : Vous pouvez recevoir un coffret qui vous permettra de placer les 10 disques de cette série "The Otis Redding Story", ainsi qu'une édition spéciale de la revue Super Soul, spécialement consacrée à Otis Redding, avec une discographie complète de tous ses enregistrements.

Pour ce faire, détachez l'onglet que vous trouverez sur chacun de tous les 45 tours simples de cette série Otis Redding Story, et quand vous possèderez les dix correspondants aux volumes, mettez les dans une enveloppe et envoyez les à l'adresse suivante :

DISQUES STAX

C.E.D.(Service production) 5, rue Geoffroy-Marie

PARIS 9e

 

 

HARD TO HANDLE

 

L'énorme succès international de «The Dock Of The Bay» entraîne la publication d'un LP du même nom, reprenant des titres jamais publiés en 33 tours et des inédits. Après  «The Dock Of The Bay», le premier simple à sortir aux Etats-Unis propose «Lovey Dovey», en duo avec Carla Thomas (Stax 244), N°60 en février 1968, déjà paru en France, suivi d'un nouvel inédit avec «The Happy Song (Dum-Dum)» (Volt 163), N°25 en avril 1968, et enregistré en octobre 1967, avec en face B «Open The Door». Là encore un album baptisé «The Happy Song » est commercialisé en compilant des chansons anciennes. Parallèlement la série «The Otis Redding Story», suite à son succès, s'étoffe de nouveaux volumes dont le quatorzième est le dernier à sortir sur le label Stax. Puis, suite au passage de Stax à Atco, la collection des inédits se prolonge avec le simple «Amen» «Hard To Handle» (Atco 6592) N°36 et N°51 en juillet 1968. «Hard To Handle» aura droit à sa version française hommage par Eddy Mitchell, intitulée tout simplement «Otis»: «Otis était un saint/ Opérant bien mieux que les tiens/ Si tu es Dieu comme on le dit/ Dis-moi pourquoi nous l'as-tu repris». «Amen» donne à son tour droit à une nouvelle compilation posthume, basée sur le même principe que le LP «The Dock Of The Bay». On continue avec «l've Got Dreams To Remember» (Atco 6612), N°41 en septembre 1968, couplé à «Nobody's Fault But Mine», qui précède le single de Noël «White Christmas » / « Merry Christmas Baby». 
 

 

White Christmas

Merry Christmas

Baby

vol 17



Enfin on découvre sa reprise, également inédite en disque, de «
Papa's Got A Brand New Bag» (Atco 6636), N°21 en novembre 1968, avec  «Direct Me» en face B, où Otis s'octroie le droit de reprendre un classique de son alter ego James Brown, il est vrai en version live et enregistré en 1966. Ce titre figure d'ailleurs sur son nouvel album «In Person At The Whisky A-Go-Go»  enregistré en public dans ce célèbre club de Los Angeles, le 2 avril 1966. Otis y chante plusieurs de ses standards, comme «Mr. Pitiful» ou «Respect», tout en reprenant «Papa's Got A Brand New Bag» de Mister Dynamite. Tout un programme qui vient célébrer sa disparition il y a un an, le 10 décembre 1967.  

 

 

vol 19

 

Si 1968 a été une année riche discographiquement parlant, dédiée à la mémoire d'Otis Redding, 1969 révèle également un important lot d'inédits. Le premier à paraître, «A Lover's Question» (Atco 6654), se classe encore 48e en mars 1969, avec sur l'autre face  «You Made A Man Out Of Me». Puis les ventes d'albums prennent le relais alors que celles des singles chutent. Ainsi «Love Man» (Atco 6677) est N°72 en mai 1969, tandis que «Free Me» / «(Your Love Has Lifted Me) Higher And Higher» (Atco 6700) n'entre même pas dans le Hot 100. Il est stoppé en 103e position en juillet 1969, demeurant son dernier single classé. En effet, l'ultime 45 tours d'Otis Redding de la décennie, «That's A Good Idea»/«Look At That Girl» (Atco 6723) en novembre 1969, soit deux ans après sa mort, n'a pas cet honneur, ce qui n'empêche pas la parution de deux nouveaux albums, « Love Man » en 1969, et «Tell The Truth» en 1970, avec encore une fois plusieurs inédits sans oublier la sortie des disques en public «Monterey International Pop Festival» et «Live In Europe»  déjà évoqués. Mais dès lors le nom d'Otis Redding est devenu immortel, appartenant à jamais à la légende musicale de cette seconde moitié du 20e siècle.

 

Jacques LEBLANC (JUKEBOX magazine n°66 - janvier 1993)  

 

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Londres  - printemps 1967

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