Earl Simms est un gars sympa. C'est le
manager des tournées d'Arthur
Conley et il est venu avec lui
pour sa tournée au Royaume Uni et en Europe à la fin de l'année
dernière. C'était la première fois qu'Earl se déplaçait à l'extérieur
des Etats-Unis et il a été plutôt impressionné par les anglais.
Le nom de Simms vous dit peut-être
quelque chose. Ce n'est pas étonnant car Earl est un compositeur
prolifique et a co-écrit beaucoup de succès récents d'Arthur
Conley
tels que "Aunt Dora Loves Soul
Shack", "Run
On" et beaucoup d'autres.
Earl
Simms, Arthur Conley, Alan Walden
(c) Alan Walden
Le roi Otis
Avant de devenir le manager d' Arthur,
Earl a été celui du roi Otis
et aussi son bras droit. C'est vraiment grâce à un coup de chance qu'il
est encore en vie aujourd'hui. Otis et Earl étaient comme des frères et
se séparaient rarement. Cependant, en cette sombre nuit de décembre
1967, quand Otis et son orchestre de scène, les
Bar-Kays,
voulurent revenir dans leur avion privé d'un spectacle dans le
Wisconsin, Earl était chez lui, malade. La famille de Simms fut informée
de la tragédie par un voisin et Earl se leva aussitôt et s'habilla, puis
se précipita au bureau de Phil
Walden,
de l'autre côté de la ville, pour savoir ce qui s'était passé.
En transe
Tout le monde au bureau était
complètement hébété, se souvient Earl. Les gens tournaient en rond,
comme en transe, refusant d'admettre ce qui était arrivé. On me confirma
finalement qu'Otis était mort et je revins à la maison totalement en
état de choc. Je n'ai pas mangé pendant au moins deux jours et le fait
que je sois malade était devenu tout à coup secondaire. Ca ne paraissait
tout simplement pas crédible. La nouvelle frappa Macon, notre ville
natale, très durement. C'était juste 2 semaines avant Noël mais la ville
ne s'en remit pas à temps. Ce fut un Noël très calme et très paisible.
Je ne savais tout simplement plus ou j'en
étais et je pris un emploi dans une usine. Je ne mis pas longtemps à
réaliser que je n'étais pas fait pour trimer à longueur de journée, sans
récompenses, je veux dire pas financières mais spirituelles. Aussi, je
retournais avec Arthur dont je pense sincèrement qu'il aura un jour un
aussi fort potentiel que le grand Otis, s'il fait ce qu'il faut pour.
Otis a été responsable de la découverte
de tant de talents, rappelle Earl. Bien sûr, il y a Arthur puis il y a
eu cette jeune femme de Mobile, Alabama. Comment s'appelle t'elle
déjà... Ah oui, Loretta Williams.
Elle ne fait plus rien aujourd'hui. Et puis il y a
Billy Young
qui a eu un succès sur le label Jotis : "The
Sloopy". Il chante toujours
bien qu'il ne soit plus avec notre agence.
Armée de l'air
L'intérêt d'Earl pour le monde du
spectacle est né pendant qu'il était dans l'armée de l'air. Puis il
forma un groupe, dénommé The
Premiers, qui ne marcha pas
tellement mais qui donna à Earl le goût du spectacle. Il fit la
connaissance de compatriotes Géorgiens comme
Little Richard
que sa femme avait connu à l'école et
James Brown
qui vivaient l'un comme l'autre à Atlanta à l'époque. Earl se souvient
que la première prestation importante des Premiers fut d'accompagner
Jimmy Reed
pour une soirée au Peacock Club à
Atlanta. Néanmoins, le groupe se sépara et Earl tenta sa chance dans ou
deux autres groupes comme chanteur avant de rejoindre le groupe d'Otis
Redding, bien avant qu'il soit
connu en dehors de l'Etat de Géorgie. Otis dû être hospitalisé quelques
semaines et laissa Earl s'occuper de tout pendant ce temps là. Earl
assura la partie vocale en même temps que celle de valet, de comptable
et de manager.
Disques à succès
Au retour d'Otis, Earl s'appliqua à
manager Otis pendant les tournées et la popularité de son patron
s'accrut. Le travail d'Earl devint plus dur ; le groupe passa de 8 à 18
membres en quelques mois et
Loretta
fut engagée comme chanteuse ; les disques
à succès commencèrent à apparaître, ainsi que les tournées à l'étranger,
bien qu'Earl préférait rester à la maison pendant ces courts intermèdes.
Earl se souvient qu'Otis donnait fréquemment un coup de main quand il
était submergé de travail : " Je n'avais pas
vraiment l'impression de travailler pour lui car il avait une attitude
si merveilleuse dans la vie. Il se pointait simplement et me donnait un
coup de main, quelque soit ce que j'étais en train de faire et tout
paraissait redevenir sous contrôle.
Je crois beaucoup à la vie après la mort
et je pense sincèrement qu'Otis continue d'aider les autres. C'est tout
un état d'esprit. Je sens qu'il est toujours avec moi de temps en temps.
J'ai l'impression que je pourrais tendre la main et le toucher. Et
Arthur ressent la même impression, aussi, je ne pense pas que ce soit
seulement un effet de l'imagination".
Dispersion
Je me souviens du moment ou les tournées
avec tout l'orchestre sont devenues une charge trop lourde pour nous
tous et Otis dispersa son orchestre de 18 musiciens. Il accepta cela
calmement et engagea aussitôt un plus petit groupe, les
Bar-Kays.
Mais il n'y eu aucun heurt, aucune panique. C'était juste quelque chose
de normal qu'il fallait faire. Et il a laissé une famille merveilleuse
derrière lui. Sa femme est restée en contact avec nous et il a trois
beaux enfants, Karla, Dexter et Otis Junior. Dexter joue déjà de la
guitare et chante et semble pouvoir suivre les pas de son père.
Earl doit aussi beaucoup à Otis car il
estime que son goût de l'écriture vient de l'aide qu'il a reçu d'Otis au
départ. C'était vraiment un grand bonhomme.