1966 - WHEN A MAN LOVES A WOMAN

Passer du statut de brancardier à celui de super vedette en l'espace de quelques mois est de ces contes de fées qui ont toujours fait vibrer les Américains, contribuant à expliquer le triomphe planétaire de ce classique, au printemps 1966. Cette précison n'ôte rien au talent bien réel de Percy Sledge qui semble avoir eu des prédispositions familiales au succès, Jimmy Hughes n'étant autre que son cousin. Alors que ce dernier se produit le week-end un peu partout dans le Sud sur la lancée de ses premiers best-sellers (Steal Away et Try Me), Percy chauffe parfois la salle pour son cousin, sans pour autant penser à devenir musicien professionnel. Les Esquires, le groupe de Hughes, se produisent principalement à travers le Deep South dans les clubs dont l'atmosphère informelle est propice à toutes les innovations. Un vendredi soir de 1965, l'organiste Andrew Wright plaque une suite d'accords sur son clavier, suivi par le reste de l'orchestre ; comme la formule plaît, des paroles sont improvisées et la chanson devient Why Dit You Leave Me. Au bout de quelques mois, les Esquires apprennent que le producteur et disc-jockey Quin Ivy vient d'ouvrir un studio à Sheffield, Alabama, et ils demandent à passer une audition. Ivy est séduit par la voix de Percy, mais il souhaiterait des titres originaux, et les Esquires lui proposent Why Did You Leave Me. Après quelques arrangements, Ivy l'enregistre à la fin de l'année sous le titre When A Man Loves A Woman, avec des copines de classe du bassiste Calvin Lewis pour faire les choeurs. La chanson sort en 45-tours au début de 1966, avec la bénédiction d'Atlantic, pour s'installer pendant deux semaines en tête du Hot 100 à compter du 28 mai. Au passage, le label new-yorkais y gagnera son deuxième Numéro Un Pop de l'année après Good Lovin' des Young Rascals. Quant à Percy, sa carrière ne s'est jamais arrêtée depuis.

1967 - LOVE ME TENDER

Pour capitaliser sur le formidable succès de When A Man Loves A Woman au printemps 1966, la maison de disques de Percy multiplie les 45-tours, avec plus ou moins de bonheur. Pour la seule année 1967, l'ancien brancardier de l'Alabama engrange pas moins de quatre hits, dont cet emprunt à Elvis Presley, devenu un classique depuis la sortie, en 1956, du tout premier film du King, intitulé Love Me tender.

1968 - TAKE TIME TO KNOW HER

Bien davantage qu'à Detroit ou Chicago, deux villes où la musique Soul est l'affaire exclusive des Afro-américains, celle qui se crée dans le Sud des États-Unis implique aussi bien des Noirs que des Blancs dans le monde des studios. A Memphis comme dans la région de Muscle Shoals en Alabama, les orchestres sont mixtes et la couleur même de la musique doit autant au blues qu'au style country, à l'image de ce qui s'était produit dix ans auparavant avec le style rockabilly. Percy Sledge est l'un des interprètes les plus révélateurs de ce phénomène, pour avoir poussé cette logique jusqu'à son paroxysme. "Ce qui est amusant avec Percy, déclare le producteur qui l'a découvert, Quin Ivy, c'est que ce sont surtout les Blancs qui ont acheté ses disques au lendemain du succès de When A Man Loves A Woman. C'est flagrant quand on va à ses concerts dans le Sud rural, on voit surtout des blancs."  Cette constatation contribue à expliquer le choix d'Ivy, qui est allé chercher Take Time To Love Her auprès d'un auteur-compositeur de Nashville. L'histoire lui a donné raison puisque ce titre est devenu le deuxième plus grand best-seller de Percy après When A Man.

1968 - MY SPECIAL PRAYER

Trois ans après le triomphe de When A Man Loves A Woman, Percy Sledge poursuit sa carrière sur disque dans les studios de la région de Muscle Shoals. Comme on ne change pas une équipe qui gagne, Quin Ivy et Marlin Greene assurent cette fois encore la production tandis que le répertoire conserve la couleur bien spécifique qui a fait la réputation de l'ancien brancardier :  une voix tendue gorgée de Soul et une couleur musicale proche de la country sur une trame héritée du gospel. Pour cette "prière particulière" (Special Prayer), la religion est plus présente que jamais, le narrateur de cette supplique se rendant à l'église pour prier le ciel de lui rendre celle qu'il aime, pendant que "le choeur chante l'Ave Maria", précise-t-il.